Le Malin - John Huston (1979)
Le Malin est sorti en 1979 après la période de faible activité que le réalisateur connut suite à l’Homme qui voulut être roi. Wise Blood est une adaptation fidèle de la Sagesse dans le sang, premier roman de l’auteure Flannery O’Connor. Nous suivons Hazel Motes, combattant de la guerre du Viet Nam démobilisé qui retrouve son Tenessee natal. Ou plutôt ce qu’il en reste : des demeures laissés à l’abandon. Il décide de quitter les lieux, qui ont autrefois habité d’autres traumas liés à un grand-père prédicateur abusif. Hazel a décidé de faire ce qu’il n’a « jamais fait avant ». Débarquant en ville, il fait la connaissance d’un pasteur aveugle, en fait un escroc, et de sa fille, Sabbath Lilly, bien décidée à le séduire. Il se fait également tourner autour par Enoch Emory, jeune homme esseulé et naïf qui tente tout pour devenir son ami. Guidé par sa colère et sa haine du christianisme, il s’improvise lui même prédicateur pour une Eglise sans Christ, qui n’a d’autre chose à proposer que de montrer la vérité. le début d’un chemin semé de bien d’autres désillusions.
C’est un parcours d’auto-destruction que filme John Huston, une quête désespérée de la vérité au cours de laquelle Hazel se heurte constamment au chaos urbain et à l’absence de repère de la fin des 70’s propre à générer tout ce que l’Homme fait de plus vil pour survivre. Face à ces murs, le prédicateur s’enferme et combat ses moulins à vent, se condamnant à une vie de rejet des autres, de colère et de solitude profonde. A force de cotoyer ce monde vide de réponses, il pourrait bien devenir le martyr illuminé qu’il a tant cherché à combattre, l’unique défenseur d’une idée qui n’existe que pour être utilisée pour tromper le chaland. Le réalisateur est coutumier des paumés irrécupérables, mais le traitement fait toujours la différence. Et si le Malin ne ressemble à aucun autre film – son déroulement imprévisible, presque littéraire, laisse une impression unique – il est bien un film de loser hustonien. Le réalisateur ne juge pas, se contente de regarder son personnage se débattre à mesure de ses rencontres, noyé dans ses propres contradictions et dans un déni certain. Il n’en fait pas pour autant un personnage antipathique. Il est difficile d’évoluer aux côtés de cet être froid et dont la colère menace d’exploser à chaque instant. Mais le magnétisme de Brad Dourif est tellement saisissant qu’on ne peut le quitter des yeux, et sa colère est souvent compréhensible. La galerie de losers présentée par Huston, tous à la recherche de quelque chose qu’ils ne pourront pas avoir, est aussi au diapason, haute en couleur et cynique à souhait. Le réalisateur choisit de distiller des éléments de comédie, un peu d’évasion et de décalage via le personnage d’Enoch, mais il s’intègre tellement au pathétique global qu’ils ne donneront pas plus d’échappatoire. Un bien triste constat qui réussit quand même à être emballé avec classe.