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 Pacifiction de Éric Serra (2022) 
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Leprechaun
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Message Pacifiction de Éric Serra (2022)
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Voilà un bien curieux objet. Pacifiction est un serpent. Et un caméléon en même temps. Et une grenouille vénéneuse. Vous savez, ces jolies batraciens aux couleurs vives, aussi beaux et attirants que dangereux. Comme la Tahiti que Éric Serra met en scène. Comme Benoît Magimel, jamais là où on l'attend, éternellement à part dans le cinéma français. Comme De Roller, son personnage. Petit roi aussi flamboyant que ridicule, aussi classe que pathétique, dans son costume blanc, ses lunettes bleues, ses chemises bariolées et ses espadrilles orange. Un haut commissaire, émissaire du gouvernement français, plus haut représentant de l'état à l'étranger. De Roller est un prince dans ce royaume de carte postale. Tout le monde le connait et il connaît tout le monde. Tout le monde le respecte, l'envie. Il se meut comme une couleuvre, avec une attitude indolente, dans un monde de courbettes infinies. De Roller affiche un calme olympien, qui s'accorde parfaitement avec son environnement. C'est que sur cette île paradisiaque, tout le monde semble comme anesthésié par la chaleur, par les décors exotiques, par les filles, les garçons aussi, la mer. Et notre haut commissaire est un pacha politique, une main de velour dans un gant de soie.

Et pendant une bonne moitié du film, Éric Serra se contente de suivre ce personnage dans ce quotidien mondain tout à fait banal. Disons le tout net : il ne se passe rien. Et pourtant, Pacifiction fascine.
Parce qu'il adopte un parti pris réaliste. Je ne sais pas comment s'est déroulé le tournage mais le film donne l'impression que les dialogues n'ont pas été écrit. Que les grandes lignes ont été esquissées et puis qu'on a laissé les comédiens improviser. Ce qui donne au film un aspect quasi documentaire. Et à ce jeu, Benoît Magimel révèle toute son expérience, sans qu'on sache où commence l'improvisation. Son jeu très minimaliste semble très simple en apparence mais il n'y a pas plus dur à maîtriser que ce genre d'exercice façon "less is more". Il réussit à parfaitement incarner l'ambiguïté de ce personnage d'état, qui souffle le chaud et le froid tout le long du film, confortablement installé dans son cocon douillet.

Mais un élément perturbateur va venir troubler la quiétude et ses jours paisibles : des locaux lui font part d'une rumeur de reprise des essais nucléaires dans l'archipel. Au départ, De Roller n'y prête pas trop attention. Il le dit lui même, il pense qu'il s'agit juste de vieux squelettes qui remontent, de vielles peur qui ressurgissent de façon sporadique... mais passé la première moitié du film, le cadre paradisiaque se mue en piège paranoïaque. Un viel amiral homosexuel balance des menaces sous l'effet de l'alcool, un mystérieux touriste Portugais perd son passeport mais ne veux pas avoir affaire aux autorités, un militaire est chargé d'installer des lumières sur des atolls, des filles débarquent de nul part à bord d'une barque... et d'étranges personnages gravitent constamment dans le giron du haut commissaire.

Progressivement, le paradis s'assombrit, en même temps que l'humeur de notre protagoniste principal, qui s'inquiète de plus en plus, qui part à la pêche aux informations mais revient sans cesse bredouille. Et notre tranquille nabab devient de plus en plus nerveux. De Roller est un homme qui aime le contrôle. Et qui s'est construit son nid douillet en contrôlant son environnement, en se bâtissant une réputation, en forgeant des partenariat... Ce qui l'inquiète ce n'est pas tant la possible reprise des essais nucléaires et ses conséquences sur l'île que la façon dont elle vient troubler sa quiétude et sa vie paisible. On était dans du Apichatpong Weerasethakul et progressivement on bascule dans du David Lynch, l'atmosphère se fait de plus en plus pesante et étrange, bien aidé par cette galaxie de protagonistes mystérieux. On se demande s'il y a vraiment anguille sous roche ou si De Roller devient parano. Une ambiance qui culmine juste avant la scène finale sur un passage surréaliste dans un night club, qui a comme un goût de Twin Peaks. Comme si notre personnage principal basculait dans une autre dimension.

Drôle de film. Qui se conclue sur une fin qui n'en est pas vraiment une. 3h en immersion qui comme tout parti pris un tant soit peu radical divisera. Certains vont se faire chier à mourir et resteront hermétiques à la démarche. D'autres comme moi en aurait bien repris 3h de plus.


Sam Jan 06, 2024 7:12 pm
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