
Hellbound (Netflix/2021 - )

Ces derniers mois,
Netflix a jeté ses filets sur deux parties du globes assez éloignées l'une de l'autre : la Scandinavie d'abord (
Young Royals,
Octobre,
L'impossible Assassin d'Olaf Palme,
Vinterviken,
Elves... c'est déjà pas mal en l'espace de 6 mois) et la Corée du Sud.
Après le succès de
Squid Game, c'est une réalisateur bien connu des fans de prod de genre Coréenne qui se charge d'une série pour la plateforme :
Sang-ho Yeon, plus connu pour être le responsable de l'excellent "
Dernier Train pour Busan" et de sa suite moins bonne "
Peninsula".
J'avoue qu'au départ, le pitch et le trailer de la série ne m'ont pas plus interpellés que ça : de monstrueuses créatures censées venir de l'enfer vienne tuer de pauvres quidam après que ceux-ci aient reçu un jugement, interprété comme celui de Dieu par une secte dont l'influence grandit à chaque exécution. Un scénario qui me laissait une impression très "manga" et pour cause, on en est pas loin puisqu'il s'agit de l'adaptation d'un webtoon écrit par le réalisateur. Tout ça me paraissait plus porté sur l'action que sur la réflexion et cette histoire semblait un peu simpliste.
En réalité,
Sang-ho Yeon est plus malin. Le trailer représente surtout les premières minutes de la série. La scène d'intro est efficace, grandiloquente mais loin d'être à l'image du reste. La suite est nettement plus posée et le réalisateur Coréen y parle de la religion, de son hypocrisie, de la façon dont elle gouverne par la peur. La
Nouvelle Vérité instrumentalise ces événements pour faire grandir son emprise sur le pays, poussant les gens à se repentir et se plaçant comme seul Rempart devant la promesse de l'enfer.
Jeon Jin-soo, le leader de la
Nouvelle Vérité, est loin de la figure caricaturale du gourou illuminé, il est intelligent, rusé, manipulateur, sobre et charmeur...
Les deux premiers épisodes montrent la puissance grandissante de son culte et un duel se construit entre lui et
Jin Kyeong-hoon, un policier dont la femme à été tuée quelques années auparavant. Le fanatisme augmente à mesure que les créatures exécutent leur mission et débarquent de nul part pour tuer des Inconnus, le tout culminant dans un 3e épisode magistral de noirceur et de violence, quelque part entre du
Park Chan-wook et du
Albert Camus. Les révélations faites par le leader du culte, le plan qu'il a mis en place sur le long terme et le dilemme posé au flic vont autant cherchés chez le réalisateur de "Old Boy" que chez l'existentialisme de l'auteur de "
L'Étranger" :
Camus disait que face à l'absurdité de la mort, la seule solution était la révolte, c'est une forme de révolte qui s'opère chez le jeune
Jeon Jin-soo, une révolte nihiliste même puisqu'il décide de laisser le chaos derrière lui, tout en laissant une chance au policier en face de faire ce qui est juste (en sacrifiant ce qui lui est cher) ou bien de penser à lui mais de laisser le chaos se répandre.
Mais si ce troisième épisode tutoie les sommet, c'est aussi celui qui pose les limites de la série. Parce qu'il constitue le point d'orgue de l'intrigue et qu'il aurait pu logiquement faire office de final. Sauf qu'il reste 3 épisodes encore et que la suite s'avère en dessous en terme d'intensité.
Dans le 1x04, cinq ans ont passé, la
Nouvelle Vérité est devenu une sorte de parti politique qui règne en maître sur tout le pays, faisant régner un climat de terreur dont le bras armé est son excroissance radicale, la
Pointe de Flèche. Dans l'ombre, une sorte de rébellion s'organise, une mystérieuse organisation tente de camoufler les morts perpétrées par les créatures pour éviter que le culte puisse s'en servir pour étayer leur rhétorique. Cette seconde partie de saison embraye sur une intrigue certe dans la continuité des 3 épisodes précédents mais c'est presque une seconde saison qui démarre, plus premier degré, moins riche en réflexion dans le fond, se résumant à un banal affrontement entre le pouvoir en place et les rebelles (rebelles un peu naïfs parfois). Même l'élément central que constitue le jugement du bébé n'a pas d'autres fonction que d'être l'enjeu d'un affrontement entre les deux parties, qui s'en servent comme d'une arme, tout ça se terminant dans un happy end un peu tiède puis par un twist final qui là encore n'a d'autres fonction que de relancer la machine pour une seconde saison, que d'être un mystère dont le spectateur attendra des réponses mais qui ne pose aucune question philosophique.
Malgré une seconde partie de saison en dessous,
Hellbound reste une bonne surprise et se révèle beaucoup plus intéressant et riche qu'un Squid Game, beaucoup plus noir aussi, et même plus violent finalement, physiquement comme psychologiquement. Elle n'aura probablement pas le même écho que sa consoeur, parce qu'elle est moins accessible au grand public. En tout cas, après la déception
Peninsula,
Sang-ho Yeon montre qu'il en a encore sous le pied et qu'il est l'un des réalisateur Coréen les plus passionnant en activité, pour peu qu'il s'en donne la peine.
4,5/6