MON-TA-NA, TON UNIVERS IMPITOYAAAAAABLE

Passée sous les radars dans nos contrées en dépit pourtant de très bonnes audiences (en hausse de saison en saison, ce qui est bon signe en général), l'arrivée en VF de la saison 1 de Yellowstone a été l'occasion pour les médias de rattraper leur retard... et moi d'enfin me décider à commencer la série après avoir longtemps tergiversé.

Yellowstone ne manque pas d'argument en sa faveur. Elle est créée par Taylor Sheridan, à qui l'on doit le scénario de Sicario et Comancheria et réalisateur de Wind River. Et on retrouve aussi Kevin Costner dans le rôle principal (qui assure aussi le rôle de producteur exécutif), celui de John Dutton, un ranchero qui mène son empire d'une main de fer (parfois dans un gant de velours, d'autres fois en acier trempé), face aux menaces qui pèsent sur cet héritage familial, tout en gérant les relations compliquées qu'il entretient avec ses 4 enfants, pas forcément enclins à embrasser le même mode de vie que leur père.

Yellowstone baigne donc dans une atmosphère western, dépeignant avec réalisme le quotidien de cow boys des temps modernes, inspiré par la jeunesse de Sheridan qui a grandi au sein d'un ranch. L'univers de la série est impitoyable, rude, entre rodéos et nature sauvage, et bien sûr très machiste : les personnages féminins sont peu nombreux et n'ont pas des rôles importants (même si ça aurait tendance à changer sur la fin de la saison 1). Au coeur des odeurs de cuir des selles et du bétail s'entremêle une saga familiale à la Dallas (sans le pétrole) : l'empire de John Dutton est sur le déclin et sa position stratégique en fait une richesse convoitée, menacée de toute part par un promoteur aux dents longues ou par un chef indien revanchard. Et les relations avec ses enfants sont compliquées : entre Kayce qui a plus ou moins coupé les ponts avec sa famille pour s'installer avec sa femme dans une réserve indienne, Jaime l'avocat en manque de reconnaissance et Rip qui est resté travailler aux côtés de son père... et puis il y a Beth, seule femme du clan, devenue cynique et désabusée parce qu'elle se sent responsable de la mort de sa mère des années auparavant. Chacun voudrait s'émanciper de la tutelle de leur père et pourtant d'une façon ou d'une autre il restent attaché à ce monde qu'ils voudraient quitter. Chacun à un rapport diffèrent avec leur père, dont l'éducation, la présence et le statut pèse toujours sur leur vie. On ne choisit pas sa famille et malgré les rancoeurs, on y reste liés à vie, d'une façon ou d'une autre.

La seule réserve que je pourrais faire à cette première saison, c'est qu'elle verse parfois un peu trop dans le mélodrame. C'est à dire que de temps à autre, les codes habituels du drama l'emportent sur le reste, et c'est un peu moins intéressant à ce moment (par exemple, ce qui arrive à la femme de Kayce en fin de saison, on s'en fout un peu). Certains personnages sont aussi un peu caricaturaux parfois (l'impression d'avoir déjà vu Danny Huston dans ce genre de rôle de requin sans scrupule, assez pathétique dans le fond; le personnage de Beth laisse parfois un sentiment mitigé quand elle se lamente sur son sort et pas hyper fan de Jaime mais c'est surtout que je n'ai jamais trop aimé Wes Bentley en tant qu'acteur).

Mais le cœur même de la série, c'est un affrontement entre tradition et modernité. John Dutton est le reliquat d'un monde en voie de disparition, un monde de traditions, de conservatisme, où les conflits se règlent à coup de poings en pleine gueule, et sur lequel viennent s'écraser les vagues du monde moderne tentant d'engloutir ce vieil empire. Kevin Costner incarne à merveille cet homme de plus en plus faible et qui pourtant s'accroche avec une vigueur forçant le respect et refuse d'abandonner ce qui lui appartient, en tout cas pas sans se battre jusqu'à la mort.
Une dualité qui traverse toute la série, de ce Montana faisant office de Texas du sud niché au coeur des montagnes à Thomas Rainwater, le chef indien qui n'a pourtant jamais connu le mode de vie de son peuple, en passant par le code moral parfois paradoxal qui règne à Yellowstone...
Il n'y a pas de bons ou de méchants dans Yellowstone, juste deux mondes impitoyables qui s'entrechoquent.

Elle me fait de l'oeil depuis un moment, celle-là.
Mais très honnêtement, je ne sais pas quand je pourrai bien trouver le temps de me lancer dedans.

Pourtant, pour avoir eu la chance de me balader dans les parcs nationaux de l'Ouest américain, je suis chaud bouillant à l'idée de me replonger dans cette atmosphère.

Uniquement sur Salto. Merci à TF1, M6 et France TV de continuer à diffuser du caca quand ils ont des séries pareilles dans leur catalogue.
Pour la peine, ce sera l'Albanie.

En plus ils seraient capables de les diffuser dans le désordre, en version censurée et coupée par des pubs.
Faut plus attendre quelque chose de la télé conventionnelle, has-been/obsolète depuis longtemps.
Limite de proposer ça sur SALTO parait presque enfin une bonne idée de leur part, c'est bien l'exemple qu'ils ont enfin parié sur un cheval moins malade.

Aaaah, les grandes heures de la diffusion de MilleniuM sur France 2.

Millenium, les Sopranos, Six Feet Under, Oz. Toutes ces séries reléguées à des heures plus tardives que le porno de Canal.
C'est toujours mieux que The Wire, qui n'a été diffusé que par France O (parcequ'il y'a des noirs ).

Saison 2

La série est toujours aussi plaisante mais cette saison est peut être un poil au dessus de la précédente.
Disons que si elle conserve cet équilibre entre western et drama, elle approfondi les personnages et se permet de rentrer plus dans le détail, là où la première saison offrait une vision plus globale de la situation.
Ainsi certain personnages sont un peu plus nuancés comme celui de Beth Dutton. Les personnages féminins sont d'ailleurs un peu plus développés, tel Monica dont la trajectoire n'est plus seulement lié à son boyfriend Kaycee et qui peut exister indépendamment. J'ai toujours une réserve sur Jaime : non seulement je trouve qu'il ne sert pas à grand chose mais son personnage trop passif et mal aimé de la famille est constamment à la limite du cliché (et puis j'ai toujours du mal avec Wes Bentley, ce qui n'aide pas j'avoue).
C'est aussi une saison un peu particulière puisque la rivalité entre John Dutton et Thomas Rainwater est mise de côté au profit de la lutte contre un ennemi commun, qui offrirait une sorte de mix parfait dans la thématique qui sous-tend la série, c'est à dire le combat entre tradition et modernité : ici les bas guys sont des texans, des cow-boys pur jus mais dont les méthodes ne sont pas régies par les règles de loyauté en vigueur dans l'univers des rancheros.
Et de façon assez étonnante, c'est une saison qui passe assez vite, sans jamais donner l'impression de rusher quoi que ce soit.

J'ai déjà embrayé sur la saison 3, va falloir que je trouve des sous-titres français potables pour "Mayor of Kingston" et le prequel de Yellowstone nommé "1883" vient de débuter. Taylor Sheridan ne chôme pas.

Saison 3

Est ce que c'est là que ça commence un peu à tourner à rond? Ça reste toujours regardable et la saison s'enquille assez facilement. Mais on a quand même l'impression que c'est un peu toujours la même chose : le ranch Dutton, dernier bastion d'un monde de traditions, menacé par un avatar du monde moderne, ici un gros fond financier qui veut construire une station de ski sur une parcelle du ranch. Avec à la clé des emplois et des bénéfices records pour l'état, ce qui complique encore les choses pour John Dutton...

A côté de ça, les personnages évoluent tranquillement : Rip et Beth sont officiellement en couple et vont même se marier, Jamie découvre la vérité sur ses origines et on nous raconte aussi l'origine de la haine entre Beth et Jamie... bon, pas grand chose de nouveau ou d'excitant sous le soleil. C'est l'aspect soap de la série, qui n'a jamais été le plus intéressant. Malgré ça, on ne peut pas dire qu'on se fasse chier et la saison passe assez rapidement. C'est le paradoxe de la série : elle ne raconte rien d'extraordinaire sur une saison mais on a jamais cette impression de vide ou de remplissage.
Après, on remarquera que, dans le Montana, les meufs moches, ça n'existe pas. Même quand un personnage demande à ce que le prochain élément féminin du groupe qui soit recruté soit ou moche, ou avec un caractère bien trempé, c'est la deuxième option qui est choisi mais impossible de trouver une actrice avec un physique ne serait-ce que banal.

Seul micro changement cette saison : on termine par un gros twist alors que d'habitude, l'intrigue est bouclée. Ici donc, les Dutton subissent les assauts conjugués de plusieurs hommes armés et même le patriarche se fait tirer dessus. Qui va s'en tirer (probablement tous)? Qui est responsable ? La série prend soin de laisser ouverte plusieurs pistes possibles mais je suppose que la plus probable reste la moins risquée.
John Dutton va t'il mourir? Va t'il réussir à sauver ses terres du capitalisme rampant? Réponse au prochain épisode.

De manière étonnante, j'étais complètement passé à côté de la série et de tout ce que produit Sheridan. C'est seulement en regardant la première saison de Tulsa King que je me suis aperçu qu'il commençait à avoir pas mal de contenu à son actif, donc j'ai continué avec Mayor of Kingstown avant de me lancer dans ce western des temps modernes. J'aurais pu faire un petit topo sur chaque saison mais en dehors de ce matin où je semble inspiré, je n'en avais pas forcément l'envie. Cela va donc être un peu plus compliqué de résumer les 4 saisons et demi que j'ai visionnées, tant pis !

Commençons par la fin : à force de lutter pour préserver le vaste domaine de la famille Dutton, la série tourne un peu en rond et trouve quelques subterfuges pour continuer à vivoter sous perfusion. Mais quelque part, c'est aussi une façon de représenter la lassitude de son protagoniste principal, lassé par la vie et par le combat qu'il mène sous toutes ses formes. Il y a en effet une évolution visible : d'abord très violente dans les premières saisons pour se débarrasser des gêneurs de la manière la plues expéditive possible, la bataille continue sur le plan judirique et économique avant d'utiliser la politique comme arme ultime. Sur ce dernier plan, dans un pays où Reagan et Trump ont été présidents et Swcharzenegger gouverneur, ça ne paraît pas aberrent que John se retrouve dans cette position.

Dans les faits, l'action était plus prégnante auparavant mais en versant trop dans la violence gratuite, avec de grosses questions sur les valeurs morales des personnages. Ça se calme plus ou moins mais cela se fait au prix de l'inclusion d'éléments dramatiques un peu trop forcés par moments, comme s'il fallait en rajouter aux difficultés rencontrées par le clan Dutton. L'enrobage devient de plus en plus visible à partir de la saison 4 : d'abord par des backdoor pilots à peine déguisés - notamment les flashbacks complètement déconnectés de l'intrigue pour annoncer le spin-off 1883, ou les tribulations de Jimmy dans le ranch 6666 qui est déjà plus en relation avec les évènements vus précédemment -, puis avec l'emploi abusif de longues scènes contemplatives dans la nature sauvage, pour essayer de montrer le mode de vie des cow-boys.

Ce n'est pas que ce soit désagréable, mais le téléspectateur averti reconnaît là un délayage effectué sciemment pour détourner l'attention : le fil rouge n'avance pas beaucoup. C'est également aléatoire au niveau des personnages car si le parcours de certains est intéressant, le cheminement d'autres est confus. Pour le premier cas, la relation entre Rip et Beth est une des fondations de l'ensemble, car c'est dans leur intimité que cette dernière révèle toute sa sensibilité alors qu'elle est si dure en temps normal. Son côté connasse est souvent trop souligné, mais ses traumatismes sont compliqués à gérer. À l'inverse, c'est beaucoup plus difficile de suivre ce que les scénaristes veulent faire avec Monica : alors qu'elle pouvait se poser en tant que parangon de la défense de la culture indienne via son poste de professeur à l'Université, son rôle se mue peu en peu en celui d'une femme usée et traumatisée par divers évènements (frappée par accident, subissant l'attaque contre les Dutton, perdant un enfant ; un véritable acharnement). Mais celui qui remporte la palme du pathétique, c'est Jamie : incapable de prendre des décisions par lui-même, son envie d'être reconnu fait de lui un être faible et influençable.

Il y a bien évidemment beaucoup d'autres choses à dire tant les personnages sont nombreux, et la série essaie de s'intéresser également aux membres du ranch qui ne font pas partie de la famille mais qui ont été marqués au fer rouge comme le bétail (méthode bien barbare et bien difficile à comprendre même lorsqu'on essaie de nous l'expliquer). Je pourrais évoquer l'évolution de Kayce, le changement dans la nature de la relation entre John et Rainwater qui repoussent sans cesse le moment de s'affronter car la nécessité de s'allier est impérieuse, la longévité de Lloyd.

Toujours est-il que même quand il ne se passe pas grand-chose, une fois qu'on accepte qu'il s'agit ni plus ni moins que d'une lutte pour préserver la tradition contre le progrès tel que pensé par le capitalisme, ça se regarde très bien. Peut-être aussi parce que le casting est plutôt bon dans l'ensemble.

Ça vaut quoi Tulsa King? Parce que je suis pas un grand fan de Stallone et le pitch me branche pas des masses.

Par contre, je suis en train de mater 1883 et je suis pas loin de penser que c'est l'un des meilleurs trucs vu en série ces dernières années. Bon, le lien avec Yellowstone est quasi inexistant (à part l'ancêtre de John Dutton) mais je trouve la mini série d'une noblesse incroyable. Meilleur que Yellowstone même.

J'ai vu également les deux premiers épisodes du spin-off et c'est très très bon effectivement. Tulsa King c'est sans plus je dirais, ça surfe sur la mode des gangsters, ça joue sur le charisme de Stallone qui porte l'ensemble sur ses épaules, et ça verse dans la violence parfois gratuite qui est un peu le péché mignon des productions de Sheridan j'ai l'impression. Je n'ai pas trouvé ça désagréable mais il n'y a rien de fou.

J'ai terminé il y a quelques jours et je crois que c'est la seule série que j'ai tenu à savourer en ne regardant qu'un seul épisode de temp à autre pour bien m'en imprégner. C'est violent mais contrairement aux productions de Sheridan où c'est parfois gratuit, c'est ici inhérent à une époque d'une grande rudesse. C'est tout simplement une leçon de vie profonde et puissante à la fois, avec des moments touchés par la grâce. L'amour pour une vie sauvage et libre même si elle est parsemée de dangers se ressent lors de chaque scène, la justesse de l'écriture est prodigieuse.

Ça ne joue clairement pas dans la même catégorie que la série mère.