
Entretien Avec Un Vampire (AMC/ 2022 - )
Saison 1
J'avais regardé la première saison à l'époque de sa diffusion mais je ne savais pas trop quoi en penser. La série m'était tout de même restée suffisamment en tête pour avoir envie de lui redonner une chance, avec un peu plus de recul cette fois.
Normalement, les séries dérivées de films sont rarement une réussite. Ici le cas est différent. Parce que Anne Rice elle même est impliquée dans le projet d'adaptation de ses propres romans. Parce que la série arrive à une époque où on essaie de donner une vision différente du vampire, moins romantique, plus dangereuse. Et parce que la série n'est pas un remake du film mais plutôt une version plus moderne.
D'ailleurs, son idée de départ est maligne : s'inscrire comme une suite du film de 1994. L'intrigue se passe de nos jours et le journaliste est le même, il a vieilli, il est atteint de parkinson et reçoit des nouvelles de Louis qui veut le revoir pour lui accorder une nouvelle interview. Il lui avoue que l'ancienne version de son récit n'était pas tout à fait la vérité. Ça permet à la série de jouer sur les deux tableaux : parler aux nostalgiques du film de Neil Jordan et conquérir un nouveau public.
Sur 7 épisodes, la série permet de palier l'un des défauts du film : elle peut prendre son temps pour développer ses personnages et notamment la relation entre Louis et Lestat, là où le long métrage était obligé de rusher les romans. Cette première saison se contente d'adapter la première partie du roman et donc la première moitié du film, mettant l'accent sur la rencontre entre Louis et Lestat, leur relation tumultueuse puis l'arrivée de Claudia jusqu'à la "mort" de Louis.
Quelques changements propres à notre époque ont été opéré, qui ne manqueront pas encore de faire hurler au wokisme ceux qui comme d'hab refusent de voir plus loin que leur biais idéologique. Ainsi Louis est incarné par un acteur noir (Jacob Anderson, grey worm de GoT), il tient un bordel et la composante raciale est intégrée à l'intrigue (sans venir la phagocyter), le changement n'est pas juste d'ordre cosmétique. Et cette modification est bien là preuve que le wokisme n'existe pas puisque ça fonctionne, grâce à la qualité d'écriture et à la qualité des acteurs. Parce qu'outre Jacob Anderson (convaincant dans le passé comme dans le présent), Sam Reid est la véritable révélation de la série, incarnant un Lestat plus fantasque, plus séduisant et charmeur mais aussi plus sombre et dangereux. Les deux acteurs se révèlent beaucoup plus convainquant que leurs homologues du film, autant grâce à leur talent d'acteur qu'à une version plus moderne et moins ridicules des personnages (je n'ai jamais trouvé Pitt et Cruise crédibles).
Eric Bogosian incarne aussi à merveille un Daniel Molloy plus âgé et plus désabusé, qui tient un rôle beaucoup plus important dans l'histoire que dans le film de 1994. Il ne se contente pas d'être un auditeur passif, il tient tête à Louis et même s'il est dépendant de son conteur, il remet souvent en question cette nouvelle version des faits à cause des incohérences entre celle ci et l'ancienne.
Évidemment, nous sommes en 2024 et la société a changé. La dimension homosexuelle de la relation entre Louis et Lestat est ici explicite et la série interroge aussi le rapport de l'époque avec l'homosexualité (les années 1910 contre 1790 dans le long métrage). Ainsi, les deux vampires sont intégrés dans une société qui ne leur porte que peu de considération, ils se font une pplace grâce à la ruse, à l'argent, le pouvoir et les relations. Le gain de place dû au format série permet de développer la place des deux personnages dans la société de leur époque, un ajout bienvenue. Ces développements amènent aussi un aspect qui m'a parfois un peu gêné : la série fini par tourner autour d'une relation toxique, Lestat se révélant au départ romantique et charmeur puis progressivement possessif, jaloux et violent. Rien de nouveau me direz vous, c'était déjà dans le film mais la durée limitée obligeait le réalisateur à ne pas s'y attarder. Ici, c'est beaucoup plus explicite.
La série réserve aussi quelques twists assez intéressants, notamment la scène finale, qui rabat les cartes et s'éloigne du film mais qui ne parlera qu'à ceux qui connaissent déjà l'œuvre originale.
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle version du roman de Anne Rice est une bonne surprise, qui mérite les bonnes critiques qu'elle a reçu et qui mériterait plus d'exposition.