Vous lisez quoi en ce moment ?
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DoctorBenway
Leprechaun
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
 Normalement, j'avais l'intention de lire le premier tome du cycle Terra Ignota de Ada Palmer, histoire de revenir à de la vrai SF. Mais j'ai découvert que le roman ne serait dispo en version poche qu'en septembre (et comme je ne lis que du format poche parce que c'est plus pratique...). Donc tant pis, je me suis rabattu sur le premier tome d'une autre saga de SF dont on a beaucoup parlé ces derniers temps : "Children of Time" de Adrian Tchaïkovski (traduit par "Dans La Toile du Temps" en français), un bouquin qui a raflé les principaux prix de littérature SF et qui a reçu beaucoup d'éloges. Dans le futur, la Terre se meurt à cause des conflits et des catastrophes écologiques ou climatiques. Les humains ont déjà commencé à terraformer d'autres planètes. Mais le docteur Avrana Kern, scientifique radicale, a une autre idée en tête et veut aller plus loin. Pour elle, l'humanité est fichue, elle est même un fléau. Il faut tout reconstruire depuis le début. Son projet : balancer toute une armée de singes sur une planète terraformée, accompagnée d'un virus nanotechnologique conçu pour accélérer leur évolution. En gros, créer une nouvelle espèce humaine, vierge et pure, qu'elle pourra plus ou moins diriger. Mais les choses ne se passe pas comme prévu : une mutinerie à bord de son vaisseau anéantit toute la colonie de primates et la force à fuir avant de libérer le fameux virus sur la planète. À la place des singes, ce sont des araignées qui vont profiter d'une évolution accélérée. Des milliers d'années plus tard, les derniers survivants de l'humanité débarque sur la planète en question pour découvrir des araignées avec une intelligence humaine, augurant d'une bataille entre les deux enfants de la civilisation terrienne. Le roman adopte une structure binaire, mettant plus ou moins en parallèle d'un côté les survivants humains à bord de l'arche Gilgamesh qui se déchirent et de l'autre la civilisation des araignées qui évolue au cours des siècles pour bâtir une civilisation de plus en plus performante. Et comme souvent, il y a une partie qui est plus réussie que l'autre. Et ici, celle concernant les araignées est plus intéressante que celle des humains. Cette dernière souffre notamment de personnages assez faibles et simplistes et de rebondissements peu intéressants. Tout leur voyage traîne en longueur et souffre vraiment de la comparaison avec la trajectoire des araignées, beaucoup plus originale. Et la raison à ça est assez simple à comprendre : l'auteur est diplômé de zoologie, ce qui se ressent dans la façon de décrire les sociétés aranéennes, leur façon de communiquer et de fonctionner confère tout son intérêt au roman. Ce qui a amené un débat sur la nature du livre : est ce que "Children of Time" est de la hard SF? Les avis divergent. Il est vrai que l'histoire emprunte des éléments au genre, surtout dans la façon très réaliste donc de décrire le comportement des araignées. Mais on est loin d'une avalanche de détails techniques comme on peut en trouver dans la plupart des romans de hard SF et le bouquin est assez simple à lire, fait le plus souvent de chapitres assez courts. On va dire que c'est un roman de hard zoologie. Globalement, le roman souffre de ressembler à une longue intro dans laquelle il ne se passe pas grand chose puisque les deux factions évoluent chacunes de leur côté et ne s'affrontent qu'à la toute fin de l'histoire (genre dans les 100 dernières pages). L'intrigue n'est pas inintéressante, l'idée de cette civilisation aranéennes qui évolue comme l'espèce humaine fonctionne assez bien mais dans le fond, une fois le roman terminé, on se dit que ça manque de consistance, ça manque de couilles, ça traîne un peu en longueur et surtout, on se demande ce qu'il reste a raconter après ce final, même si l'auteur met déjà en place des éléments pour la suite (mais pas vraiment la suite directe)
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Mer Juil 10, 2024 7:39 pm |
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DoctorBenway
Leprechaun
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
 De Dantec, j'en étais resté à Villa Vortex, techno thriller passionnant, rempli d'idées de génie mais plombé par une dernière partie où l'auteur sombrait dans un salmigondis philosophique lourd et emmerdant, à tel point que j'avais fini par lâcher le roman puisque ça ne racontait plus rien (à part un délire méta ampoulé). J'ai beaucoup hésité à lire Cosmos Incorporated. Parce qu'entre temps, Dantec a fait son coming out faf, déjà palpable dans Villa Vortex, il s'est mis à fréquenter la mouvance identitaire et il a fini par devenir papy facho (son "Théâtre des Opérations", sorte de journal intime, est une espèce de recueil de pensée façon bar pmu que n'aurait pas renié un chroniqueur de Hanouna). Alors forcément, un bouquin qui présente un futur en proie à un djihad mondial, ce fantasme ultime d'extrême droite, ça agit comme un repoussoir chez moi, j'ai tout sauf envie de lire le programme du RN dans un roman. Allez savoir pourquoi j'ai décidé après tant d'année de laisser une chance au roman. Sachez que je le regrette. Pourtant au départ, ça ne commence pas si mal. "Cosmos Incorporated" est une espèce de best of des deux précédents romans de l'auteur Grenoblois exilé au Canada. On y retrouve un personnage de mercenaire Russe (ne me demandez pas d'où vient l'obsession de Dantec pour l'URSS) et des jumeaux comme dans Babylon Babies couplé à l'écriture cyberpunk de Villa Vortex, écriture aussi séduisante qu'irritante quand elle a tendance à se reposer sur ses tics un peu répétitifs. Plotkine est un tueur à gage à qui on a effacé la mémoire pour qu'il puisse passer les multiples contrôles de ce monde ultra technologique. Sa mémoire lui revient par bribes et très vite, il se souvient de sa mission : abattre le maire de Grande Jonction, petit territoire autonome Mohawk en plein Canada. Toujours influencé par les auteurs cyberpunk et la musique rock, la première moitié du roman ressemble à une espèce de "The Killer" SF traversé d'idées géniales et de descriptions fascinantes. Certes, ça avance très lentement mais c'est plutôt plaisant à lire malgré des défauts évidents (une constante chez Dantec). Et puis, au bout de 250 pages, Dantec part complètement en roue libre. C'est parti pour 300 pages d'une bouillie indigeste philosophico mystico mes couilles, à base de néologisme, d'anglicisme, de name dropping stérile... C'est la dernière partie de Villa Vortex en pire. Ça ne raconte plus rien. Et j'ai failli balancer le bouquin par la fenêtre. Je suis allé péniblement au bout en espérant je ne sais pas trop quoi mais force est de constater que j'aurais dû m'arrêter bien avant et lire autre chose. De temps à autre, l'intrigue revient de façon temporaire, par petits morceaux mais ça ne change pas grand chose.
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Dim Aoû 11, 2024 2:40 pm |
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Blue Boy
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
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Eclosion et Infestation de Boone Ezekiel Partout dans le monde, une race d'araignée vorace sort de sous la terre pour attaquer les etre humains sur tout le globe. Ca fait penser à la trilogie des rats de James Herbert sauf que Boone Ezekiel a un probleme avec l'horreur, c'est qu'il ne l'assume pas. A chaque fois que cela commence a devenir interessant, ca coupe et on repart sur d'autres personnages, et on recommence à nous parler des araignées mais jamais à les vraiment montrer attaqués des etres humains. L'histoire est éclaté sur différents personnages, à travers le monde mais surtout au Etats Unis, et on a droit à des moments ou untel voudrait sortir à machin. On a des araignées voraces qui s'organisent comme des fourmis ou des abeilles mais, pas une seule scéne ne nous montre, le pauvre quidam essayant de lutter ou de survivre face à ces bestiole. J'ai lu eclosion, et le titre va bien avec le libre, parce qu'il se passe pas grand chose, les attaques sont rares et isolés, et surtout survolés pour certaines moment dans le livre, comme l'arrivée des araignées à Los Angeles. J'ai commencé à lire Infestation la suite de Eclosion, en me disant qu'ils vont passer à la vitesse supérieur, mais non, ca parle toujours autant, et on rajoute de nouveaux personnages. Au cinéma, on dit: "show don't tell", l'auteur aurait du apprendre cette regle, parce que pour le moment c'est plat, je ressens pas ce que j'ai ressenti avec la trilogie des rats, ou ca empiré toujours de plus en plus, offrant une situation qui apparaissait de plus en plus désespéré, et James Herbert ne mettait 400 pages pour faire monter la sauce.
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Mar Aoû 13, 2024 7:23 am |
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Blue Boy
Critters
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
Je viens de terminer Infestation de Ezekiel Boone, et c'est de la merde, 600 pages pour ne riens raconter, il fallait faire, les personnages sont chiants de gentillesse et d'amour pour leur prochains, les araignées inexistantes, les attaques se limite à de cours chapitre de 3 ou 4 pages.
Des personnages qui ont l'air oubliés, une gestion de l'histoire catastrophique, à coté le plus mauvais de Masterton ou James Herbert est un chef d'oeuvre.
Je m'arrette au Tome 2 Infestation, et contrairement aux titre racoleur, l'infestation commence dans les derniers pages du livre, c'est à dire aux moments ou les araignées sortent de leurs oeufs. Je vais attendre pour le tome 3, sachant que le titre : Destruction me donne l'impression qu'il est lui aussi trompeur.
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Lun Aoû 26, 2024 9:02 am |
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DoctorBenway
Leprechaun
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
 Je ne sais pas si on peut considérer "Tous à Zanzibar" comme un classique de la SF, mais au moins comme une de ses œuvres qu'il faut lire absolument si on aime le genre. Ce n'est pas forcément un roman, ni un auteur très connu et "Tous à Zanzibar" n'est d'ailleurs pas un roman au sens classique du terme : on lui donne le qualificatif de "roman univers", ce qui lui convient parfaitement. J'avoue que j'ai d'abord commencé à lire le bouquin puis j'ai abandonné au bout d'une centaine de pages avant de recommencer quelques mois plus tard. Parce que Brunner abandonne la natation classiqueet linéaire au profit d'une narration plus puzzle qui déstabilise à la première lecture. "Tous à Zanzibar" peut être considéré comme un roman d'anticipation, il se déroule dans un futur plus ou moins proche, miné par le problème de surpopulation. Faire des enfants est désormais extrêmement mal vu, les législations eugéniques de plus en plus restrictives sont adoptées, avoir un appartement individuel est un luxe... L'intrigue est organisée en 4 catégories de texte : – "Contexte" est l'équivalent d'un zapping. Imaginez que vous allumiez la télé et que vous zappiez sur toutes les chaînes. C'est donc un agrégat de textes, parfois de simples phrases ou textes : extrait de pub, JT, bribes de conversations... qui permettent de se faire une idée de plus en plus précise de l'univers dans lequel se déroule le roman. – "Jallons et Portraits" se concentre sur un personnage en particulier. Ça peut être un personnage important comme un personnage très secondaire, qui n'apparaîtra que quelques fois dans le roman. – "Le Monde en Marche", c'est la chronique de Chad Mulligan dans son "Lexique de la Délinquescence", observateur et analyste cynique des travers de son monde. – "Continuité" est en quelque sorte la seule intrigue permanente, qu'on suivra tout au monde du roman jusqu'à la fin. On y suit le parcours de deux colocataires : Donald Hogan, un branleur qui se révélera être en réalité un agent dormant des services secrets et Norman House, seul employé black et musulman au sein de la GT, la plus grand entreprise du pays, détentrice de Shalmaneser, l'IA la plus intelligente du monde. Ces 4 catégories de textes s'entremêlent tout au long des 700 pages dans ce qui ressemble d'abord comme un joyeux foutoir un peu irrégulier mais dont on finira par découvrir qu'il forme un jeu de construction millimètré. Il faut s'accrocher et persister au delà de la première impression pour découvrir la richesse du roman, tout à tout drôle, intelligent et effrayant de pertinence dans ses prédictions du futur. Une fois qu'on accepte d'abandonner ses repères et de se laisser emporter par cette narration déconstruite, ça devient un pur plaisir : des évènements ou des personnages en apparence insignifiants font écho à d'autres beaucoup plus loin et on reste fasciné par la façon dont est construit le roman. Il y a aussi clairement deux parties délimitées, il y a un basculement net en plein milieu du roman. C'est d'ailleurs un peu problématique parce que la seconde partie est un peu en dessous. La trajectoire de Norman et Donald prend le pas sur le reste et soyons honnête, leur storyline à tous les deux n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant dans le roman. D'un côté donc, Donald est "activé" et envoyer au Yatakang pour vérifier l'annonce de leur gouvernement qui prétend pouvoir non seulement éradiquer toutes les anomalies génétiques mais aussi pouvoir donner les caractéristiques de son choix à son bébé. Norman, lui, négocie la vente d'un territoire en Afrique à son entreprise et le plan pour développer ce bout de terrain. On est donc dans une structure plus classique et nettement moins intéressante, ce qui est un peu dommage. Si en terme d'intrigue, "Tous à Zanzibar" n'est pas le plus flamboyant ou le plus mémorable des romans de SF, il vaut surtout pour la forme et reste une espèce de curiosité littéraire qui reste en mémoire.
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Sam Oct 26, 2024 9:17 pm |
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CHARLTON HESTON
Leprechaun
Inscription: Sam Juin 10, 2006 8:20 pm Messages: 544
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 Mais à lire quand on est encore dans le systeme scolaire.
Tient,faudrait que je me décide à le lire ce Tous à Zanzibar,mais j'ai un peu ce problème avec l'auteur, Brunner depuis Le troupeau aveugle; je reconnait la valeur de l’œuvre (je sais plus quel critique disait que lire le troupeau aveugle donnait des boutons tant la description d'un monde pollué et sans espoir en train de pourrir était réussi,mais c’était bien vu) mais coupler à des personnages dans l'ensemble peu attachants,eh bien,ça demande d’être dans de bonnes dispositions pour se l'infliger (et justement,en vieillissant,je suis de moins en moins réceptif je crois). 
_________________ In Gun We Trust
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Sam Oct 26, 2024 10:38 pm |
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DoctorBenway
Leprechaun
Inscription: Jeu Oct 08, 2020 6:52 pm Messages: 784
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
 Si les dystopies ont toujours le vent en poupe, pour le meilleur et pour le pire (voir l'adaptation médiocre de Silo sur Apple TV), l'époque commence à changer progressivement et son opposée commence à voir le jour au sein de la SF. Puisque la réalité commence à dépasser la fiction, l'intérêt pour des univers pessimistes décroît et une poignée d'auteur commence à livrer des utopies. Parmi eux, la saga Terra Ignota de Ada Palmer a remporté de nombreux prix en matière de littérature de SF et de fantasy et a beaucoup fait parler. Puisque le premier tome vient de sortir en format poche, c'était l'occasion de voir ce que valait ce gros pavé de plus de 800 pages. Première remarque : il y a une énorme différence entre la couverture de l'édition originale et celle de la version poche. Sur la première, on peut y voir des vaisseaux survoler un paysage montagneux; sur l'autre on a droit à un joli bleu fluo et une typo qui laisse plutôt entrevoir un roman pour ado : deux salles, deux ambiances, il y a un souci quelque part les gars. Je mettrai bien ça sur le compte de l'éditeur (Le livre de Poche), jamais très inspiré en matière de couverture (le contraire de Folio SF ou de J'ai Lu, qui ont respectivement réédité " Le Cycle de Fondation" d' Asimov et l'intégrale de l'oeuvre de K.Dick avec des jolies couv) mais force est de constater après lecture que "Trop Semblable à l'Eclair"" entretien quelques similitudes avec les best sellers YA tels que Hunger Games ou Divergente. La caractéristique principale du roman, c'est son univers extrêmement complexe et riche. Nous somme au XXVe siècle, le monde est en paix depuis que la religion a été interdite. Vous n'avez plus le droit de discuter de sujets religieux à plus de deux personnes, sous peine d'être soupçonné de former un culte. Pour ça, il existe une nouvelle profession, le Sensayer, sorte d'équivalent du prêtre, chargé de répondre à toute question théologique. La notion de pays et de nation a été rendu obsolète par la vitesse des transports, notamment les voitures volantes, capables de rejoindre n'importe quel point du globe en moins de 4h. Le monde se divise désormais en "ruches", chacune dirigée par une puissante famille et chacune prônant une idéologie précise. Dans le même ordre d'idée, la notion de famille telle qu'on la connaissait n'existe plus non plus : on se réunit désormais entre personnes qui partagent une même opinion et les mêmes intérêts, au sein de groupes appelés "bash", les liens du sang n'ont plus aucune valeur. Il en va de même pour le genre, les pronoms "il" et "elle" ont été remplacés par "on" au singulier et "ons" au pluriel... Chaque année, les principaux journaux du monde publient leur liste des 10 personnalités qu'ils considèrent comme les plus influentes, un moment très attendu puisqu'il modifie les rapports de force entre chaque ruche. Cette fois, la liste établie par le Black Sakura est volée et retrouvée au sein du bash Saneer-Weeksbooth, qui gère le principal réseau de voiture volante de la planète. On charge Mycroft Canner, un servant, c'est à dire un ancien condamné devenu homme à tout faire pour les puissants, de mener l'enquête. Mais Mycroft a lui même un secret : il cache au coeur même de ce bash un jeune garçon qui possède le pouvoir de donner vie à n'importe quel objet inanimé, et qui pourrait bien faire vaciller la stabilité de ce monde. On ne pourra pas reprocher à ce premier tome son manque d'originalité. Ada Palmer use de l'introduction in media res pour propulser le lecteur au sein d'un monde complexe, pensé en détail, et pour lequel il faudra être patient afin d'en comprendre les subtilités. C'est toujours les mêmes qualités et les mêmes défauts avec ce procédé : ça évite une introduction trop longue et rébarbative en entrant directement dans le vif du sujet mais en contrepartie, le début est difficile d'accès, le lecteur est soumis à des éléments qu'il ne comprends pas tout de suite mais qui feront sens bien plus tard (nécessitant même parfois une seconde lecture). Sauf qu 'Ada Palmer se prends les pieds dans le tapis en tombant dans le piège qu'elle voulait éviter. Si on fait immédiatement connaissance avec Mycroft Canner, les membres du bash Sanneer Weeksbooth et Bridger, ce gamin au pouvoir fascinant, les centaines de pages suivantes seront quand même utilisées pour décrire le fonctionnement de cette société futuriste, en long, en large et en travers. Et le roman fourmille de détails, beaucoup trop de détails, à tel point qu'on finit par s'y perdre. Il y a un nombre de personnages bien trop élevé, beaucoup ne sont pas très importants, ni très intéressants et manquent d'épaisseur; la plupart possèdent même plusieurs noms et surnoms, ce qui rend encore un peu plus ardue la compréhension de l'intrigue (mention spéciale à J.E.D.D Maçon qui a environ un nom différent par interlocuteur; Son véritable prénom est d'ailleurs assez ridicule : J.E.D.D est l'acronyme de Jéhovah Epicurus Donatien d'Arouet). Un guide récapitulant le nom de chaque protagoniste, son appartenance à une ruche et sa fonction, ainsi que les relations entre les uns et les autres n'aurait pas été de trop et aurait permis une meilleure compréhension de l'univers du roman. De l'aveu même d' Ada Palmer, son inspiration première était la philosophie des Lumières, qu'elle cite même littéralement puisqu'elle évoque Voltaire, Diderot, Sade... On a même droit à un passage dans un bordel tout droit sorti du XVIIIe siècle... Mais le name dropping ne suffit pas à rendre hommage à cette période. Et c'est là que le bat blesse chez l'auteure : sa connaissance de cette période accuse quelques lacunes, certaines erreurs mais aussi quelques manques. L'univers du roman bouffe à tous les râteliers, autant aux Lumières qu'à la Grèce antique et on sent surtout que la volonté d'originalité prime sur le reste. Parce que c'est bien gentil de dire que l'intrigue prend place au sein d'un monde utopique mais dans le fond, malgré l'abondance d'éléments et de détails, on a du mal à la comprendre cette utopie. Interdire les religions, ok, mais vous ne pouvez pas interdire aux gens de croire. On se demande comment s'est passé cette interdiction, on nous parle bien de guerres au détour de certains chapitres mais les explications concernant la mise en place de cette fameuse utopie sont assez succint. Et surtout, le roman se concentre avant tout sur les puissants mais oublie le peuple. Une utopie ce n'est pas seulement un monde en paix : comment vivent les simples gens? Qu'est ce que ce monde parfait leur a apporté? Ce point est inexistant et c'est un gros problème. En fait, tout dans le roman trahit la nationalité de l'auteur et ses limites dans les connaissances des philosophes des Lumières ; elle est parfois plus intéressée par la volonté de diversité dans son roman que par la cohérence de son intrigue. Elle ne s'en cache pas (comme on peut le lire dans la courte interview en fin de bouquin). Comme partout, en soi, vouloir de la diversité, c'est très noble. Ici, on a des personnages japonais, français, espagnols, indiens... et paradoxalement, les États-Unis brillent par leur absence, ce qui nuit forcément à la cohérence de l'histoire. Ada Palmer multiplie les idées et les procédés sans que ça n'apporte quoi que ce soit au roman, bien au contraire. Elle met en place des règles, qu'elle passe son temps à transgresser : ainsi l'abolition du masculin et du féminin au profit du neutre va et vient au gré de ses envies. Et à chaque fois, elle se sent obligée de se justifier de façon foireuse par la bouche de son narrateur. Parfois, les dialogues sont écrits comme au théâtre : avec le nom du personnage qui parle, puis ses paroles ensuite. Là encore, elle essaie de justifier ça comme elle peut mais ça ressemble surtout à de la fainéantise et à une façon de se simplifier la vie pour écrire des tartines de dialogues pas très inspirés. Elle décide aussi de relater les faits par la bouche de Mycroft Canner, qui est donc la narrateur et le guide. Sauf que le personnage relate parfois des évènements... alors qu'il n'était pas présent à ce moment là. Et comme d'hab, l'auteur sent bien qu'elle se doit de trouver une excuse à ces incohérences (ce qu'elle ne s'emmerde même pas à faire lors de certains passages). Le même Mycroft brise régulièrement le quatrième mur en s'adressant au lecteur et il imagine parfois que ces derniers lui répondraient, le langage prenant alors la forme du vieux français du XVIIIe siècle sans que je ne parvienne à en comprendre la raison. Bref, très souvent, " Trop Semblable à l'Éclair" ressemble à un patchwork un peu indigeste de beaucoup de choses qui ne vont pas ensemble. Les enjeux eux même sont souvent flous, noyés dans la masse de détails et de personnages. En quoi le vol de la liste des sept-dix est si importante (puisqu'elle aurait été publiée quelques jours plus tard)? Pourquoi les pouvoirs de Bridger sont ils si cruciaux? Le récit est tellement décousue, il y a tellement de choses à expliquer sur le fonctionnement de ce monde, tellement de protagonistes à introduire et à présenter, tellement d'éléments à intégrer... qu'on peine à comprendre les enjeux de l'histoire. Ceux ci deviennent un peu plus claire sur les dernières pages (mais vraiment les dernières) avec deux révélations qui relancent un peu l'intérêt. L'une explicite un peu mieux l'importance de Bridger au sein de cette utopie (il peut être considéré comme un miracle ou un dieu au sein de ce monde où la religion est interdite, en plus de posséder un pouvoir dangereux) et l'autre lève le voile sur une conspiration fomentée par certaines grandes familles, l'utopie créée étant donc bâtie dans le sang... Mais pour en arriver là, il faut se farcir 800 pages pas très bien écrites et assez lourdes et on se dit que l'ensemble aurait gagné à être allégé de 100 ou 200 pages (au moins), tout n'était pas nécessaire pour en arriver là. Il paraît que le rythme s'accélère dans les prochains tomes et donc que celui ci fait office d'introduction en quelque sorte, une très longue intro de plus de 800 pages pas hyper passionnantes ni convaincantes. Est ce que j'aurais envie de lire la suite? On verra quand le second tome sortira en livre de poche.
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Mar Déc 17, 2024 9:06 pm |
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Blue Boy
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Inscription: Mer Avr 14, 2021 9:15 am Messages: 267
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 Re: Vous lisez quoi en ce moment ?
Fantomes de Joe HillJe suis en train le recueil de nouvelles Fantômes de Joe Hill, et j'ai l'impression voir du Stephen King version woke: Il y a des histoires qui interpellent, tant c'est flagrant, comme avec cette histoire de adolescent né comme une poupée gonflage et qui est juif, et qui subit humiliation et agression de la part de jeunes adolescents. C'est particulier, mais le message est tellement gros, sur l’intolérance vis à vis de ceux qui nous sont différent, et le parallèle avec la judéité du personnage, que j'ai trouvé assez maladroit et pas très inspiré. L'histoire qui m'a le plus lu, c'est celle d'un prof de littérature qui est subjugué par le talent d'écriture d'un jeune élève qui a écrit une superbe histoire, mais dont il manque la dernière partie. Il va chercher le rencontrer, mais il comprendra trop tard que sa recherche va le conduire, vers justement cette dernière partie qui s’écrira a ses dépends. C'est l’histoire la plus passionnante, on voit un homme blasé, par son travail, qui voit dans l'histoire qu'a écrit un élève, le moyen de retrouver du plaisir à lire une histoire mais est inconscient du prix qu'il devra payer. Il y a aussi une variante de Dracula, ou Van Helsing est un patriarche autoritaire qui a eu deux enfants à Mina, mais qui est pas présenté comme un tueur de vampire, mais comme un taré, complétement obsédé par des vampires qui ne sont que dans son imagination. La chute montrera que Dracula est une mystification et que Van Helsing est plus un tueur en série, qu'autre chose. On a aussi une variante de la métamorphose de Kafka et Né d'un homme et d'une femme de Richard Matheson, ou un adolescent se transforme en insecte et prend plutôt bien la chose, ses parents et amis beaucoup, il y a une référence à une base militaire ou des bestioles étrange ont l'air de s’échapper de temps en temps, ce qui m'a penser à la nouvelle The Mist de Stephen King. C'est l'une des meilleurs histoire et la fin est géniale, enfin Joe Hill se lâche dans du gore, et beaucoup de morts. le fils ne vaut pas son père, il est loin d'un R ichard Matheson, mais il fait a peu près le taf, et cela reste quand même meilleurs que les derniers romans de Stephen King qui confond quantité et qualité. Je n'ai pas terminé toutes les nouvelles, mais a défaut d’être suffisamment passionnante, les histoires sont bien écrit, on voit que le fils a apprit de son père, le problème c'est qu'il est arrivé 30 ans trop tard, en tout cas pour moi. Il fait le taf mais sans, plus par rapport à Danse Macabre ou Rêves et Cauchemars, on est très loin en terme de qualité de ce que faisait Stephen King dans les années 70. Il manque quelque chose, un je ne sais quoi, mais surtout entre les années 90 ou j'ai lu ces nouvelles et maintenant, mon rapports au nouvelles horrifiques et la culture populaire a bien changé, un peu moins passionné, et découvrant très vite les ficelles narratives de l'auteur.
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Sam Jan 11, 2025 3:07 pm |
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